
MOLECULES ANESTHÉSIQUES
ET ANALGÉSIQUES
KÉTAMINE
CLASSE THÉRAPEUTIQUE
La kétamine est une amine dissociative, dont l’action majeure est d’être un antagoniste non compétitif des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Sa fixation aux récepteurs NMDA bloque celle du glutamate, principal neurotransmetteur excitateur du CNS. La kétamine entraîne par cette action une dépression du système thalamo-cortical et une activation du système limbique.
La kétamine agit aussi sur les récepteurs glutamate non NMDA, GABA, nicotiniques et muscariniques, les récepteurs cholinergiques, monoaminergiques et opioïdes. Cependant, l’antagonisme aux récepteurs NMDA représente la majorité des effets analgésiques, anti-hyperalgésiques, amnésiques et psychomimétiques (Mion et Villevieille, 2013)
Pic d'effet
10 à 12 minutes en I.M.
30 à 90 secondes en I.V.
USAGE
agent d'induction
CONTRE-INDICATIONS
Ne pas utiliser seul.
Ne pas utiliser chez un animal :
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Ayant déjà présenté une hypersensibilité à la kétamine.
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Présentant une maladie hypertrophique cardiaque.
À éviter chez les animaux présentant :
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Des troubles épileptiques.
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Une hypertension intracrânienne.
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Une hypertension intraoculaire ou une blessure perforante du globe oculaire.
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Une anurie et/ou une obstruction du bas appareil urinaire, en particulier chez le chat où l’excrétion et la métabolisation de la kétamine sont en partie rénales.
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Un tonus sympathique augmenté (c.-à-d. hyperthyroïdie, phéochromocytome) car l’administration de kétamine crée un état de stimulation du système orthosympathique.
À utiliser avec précaution chez les animaux présentant :
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Des pertes sanguines importantes.
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Une hyperthermie maligne.
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Une chirurgie des voies respiratoires supérieures (pharynx, larynx ou trachée).
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Une hypertension.
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Une maladie cardiaque.
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Une insuffisance hépatique ou rénale.
DOSAGE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT
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Pour de courtes procédures chirurgicales (30 – 40 minutes) chez le chat :

Remarque : les α2-agonistes peuvent causer des vomissements.
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Pour une induction d’anesthésie chez le chat et le chien :

MÉTABOLISME DE LA KÉTAMINE ET PARTICULARITÉ DU CHAT
La molécule est métabolisée à 80% en norkétamine par la voie métabolique hépatique du cytochrome P450. La norkétamine est un métabolite actif dont la puissance est d’environ 20% celle de la kétamine. Administrée de manière répétée, la kétamine induit une augmentation des enzymes microsomales hépatiques pouvant provoquer une intolérance à plus long terme.
La faible métabolisation hépatique chez le chat entraîne une excrétion rénale de la kétamine sous forme inchangée. Ceci ne fait pas de la kétamine une molécule contre-indiquée chez le chat atteint d’une néphropathie, cependant des bolus répétés et/ou une perfusion de kétamine peuvent entraîner une accumulation responsable d’effets sédatifs prolongés imputable à une excrétion rénale altérée.
UNE NON-ABOLUTION DES RÉFLEXES
L'administration de kétamine n’abolit pas les réflexes tels que : oculaire, laryngé, pharyngé, pédalage.
QUALITÉ DU
ANESTHÉSIQUE
RÉVEIL
Un état d'hyperexcitabilité survient parfois lors du réveil anesthésique post kétamine. Il se traduit par des animaux hypersensibles au bruit, à la lumière et à la manipulation. Le réveil doit donc se faire dans une salle calme, sans bruit ni lumière.
EFFETS PHARMACOLOGIQUES NOTABLES
EFFET SUR LE
SYSTÈME
CARDIOVASCULAIRE

La kétamine stimule le système cardiovasculaire via l’activation du système sympathique et entraîne donc une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et du débit cardiaque. Cela augmente le travail du myocarde et sa consommation en oxygène. Chez un patient sain, une vasodilatation des coronaires permettra d’accroitre suffisamment l’apport en oxygène au myocarde pour accompagner ce travail supplémentaire, néanmoins chez les animaux présentant une maladie cardiovasculaire une augmentation de ces besoins métaboliques cardiaques peut être moins bien tolérée. L’utilisation d’autre sédatifs ou anesthésique peut néanmoins atténuer ces effets stimulants.
La kétamine a également un effet inotrope négatif sur le myocarde, mais les effets stimulants prédominent ; des doses intraveineuses fortes peuvent cependant entraîner une hypotension transitoire. Chez des animaux critiques, la kétamine combinée avec d’autres molécules anesthésiques (comme les alpha-2-agonistes, qui atténuent les effets cardiostimulateurs de la kétamine) peuvent provoquer une dépression cardiovasculaire.
Cette stimulation du système cardiovasculaire serait imputable à l’inhibition de l'absorption neuronale et extraneuronale des catécholamines, provoquant un état hyperadrénergique : la concentration de noradrénaline dans la circulation sanguine se retrouve augmentée.
EFFET SUR LE SYSTÈME
RESPIRATOIRE

La perméabilité des voies respiratoires est généralement préservée lors de l’anesthésie avec de la kétamine, puisque les réflexes concernant le pharynx et du larynx sont préservés. Néanmoins, une intubation peut être nécessaire, car la kétamine peut provoquer des spasmes laryngés et entraîner ainsi une obstruction partielle des voies respiratoires.
La kétamine ne produit pas de dépression respiratoire. Une injection trop rapide peut néanmoins s'accompagner d'une apnée transitoire
La kétamine agit comme bronchodilatateur.
Deux mécanismes seraient à l'origine de cette propriété - d'une part, via un effet central induisant la libération de catécholamines, stimulant ainsi les récepteurs β2 adrénergiques, responsables du tonus musculaire des fibres lisse des bronches, et d'autre part, via l’inhibition des voies vagales (nerf X) : cet effet anticholinergique agit lui aussi directement sur le muscle lisse bronchique et induit une bronchodilatation.
Les problèmes respiratoires potentiels peuvent survenir chez les chats et les petits chiens, car la kétamine provoque une salivation accrue pouvant conduire à une obstruction du tube endotrachéal. Des anticholinergiques peuvent être administrés pour réduire ce phénomène.

EFFET SUR LE TONUS
MUSCULAIRE
L’administration de kétamine n’entraîne quasi aucune myorelaxation, et peut même causer une augmentation du tonus musculaire, voire des mouvements involontaires lors de l’anesthésie/sédation ; combiner celle-ci avec des benzodiazépines ou un α2-agoniste permet de contrer cet effet secondaire.
EFFET ANTI
HYPERALGÉSIQUE
Les récepteurs NMDA sont impliqués dans la transmission de la douleur et sa modulation. Ils contribuent à des phénomènes comme l’effet « hyperalgésique » ; lorsque les neurones sont soumis à des impulsions nociceptives répétées ou de haute intensité, ils deviennent progressivement de plus en plus excitables même après suppression du stimulus ; cela conduit à des douleurs intraitables chronique ou non réactive. Cette hyperalgésie peut notamment être induite par l’usage répété d’opoïdes (cf fiche opioïde). Théoriquement, l’action de la kétamine réduit ce phénomène, mais cela n’a pas été prouvé chez l’animal. (Mion et Villevieille, 2013)

EFFET SUR LA PRESSION
INTRACRÂNIENNE
En raison de ses effets excitateurs sur le SNC, la kétamine augmente le métabolisme cérébral (en oxygène, glucose), entraînant une augmentation du débit sanguin cérébral et donc, de la pression intracrânienne. En revanche, la vasoréactivité cérébrale au dioxyde de carbone reste intacte, donc une réduction de la PaCO2 via par exemple une ventilation mécanique atténuera cette augmentation de la pression intracrânienne. Néanmoins, la kétamine ne doit pas être utilisée chez des patients où une augmentation du métabolisme cérébrale ne sera pas tolérée.
EFFET PRO-CONVULSIVANT ?

La kétamine a un potentiel épileptogène et son usage n’est généralement pas recommandé à des doses élevées chez les animaux présentant des troubles épileptiques ou subissant une procédure pouvant pour provoquer des crises d’épilepsie (par exemple myélographie). Cependant, des études confère à la kétamine des propriétés anti-convulsivantes, et son usage a été fait notamment chez les patients souffrants de Status Epilepticus et neuroprotectrices (Rosati et al., 2018).
EFFET SUR LA PRESSION INTRA-OCULLAIRE

La kétamine administrée seule augmente également la PIO, et des précautions doivent être prises lors de l'utilisation de celle-ci pour une chirurgie intraoculaire et/ou lors de blessures perforantes du globe oculaire. Cependant, ses effets sont atténués par l'utilisation de benzodiazépines, d'acépromazine et α2-agonistes. Les yeux demeurent en position centrale pendant une anesthésie à la kétamine, rendant les animaux plus sujets au dessèchement de la cornée et aux ulcères.