
MOLECULES ANESTHÉSIQUES
ET ANALGÉSIQUES
PRINCIPES DE L'ANESTHESIE VOLATILE
Principes de l’induction et de la récupération de l’anesthésie volatile
I. FACTEURS DÉTERMINANT L'ABSORPTION D’AGENTS ANESTHÉSIQUES VOLATILS ET LE TEMPS D'INDUCTION :
Une gamme de facteurs détermine la vitesse à laquelle l'inhalation (i.e. l’absorption de l’agent anesthésique volatile par le corps du patient) se réalise. Ces facteurs affectent directement la vitesse à laquelle l’induction se produit ainsi que la profondeur de l’anesthésie qui s’ensuit lors de la maintenance de l’anesthésie.
Ces facteurs peuvent être divisés en :
-
Ceux affectant la concentration d'agent inspiré (1).
-
Ceux affectant la concentration alvéolaire de l’agent inspiré (2).
1. Facteurs affectant la concentration inspirée de l’agent anesthésique volatil :
La concentration de vapeur inspirée est déterminée par le réglage du vaporisateur, le débit de gaz frais et la manière dont fonctionne le circuit respiratoire (avec ou sans réinhalation).
Un débit de gaz frais élevé permet une augmentation rapide de la concentration d'agent anesthésique dans le circuit respiratoire lors de l’induction et permet par la suite des changements rapides de concentration de l’agent lors la maintenance de l’anesthésie.
Ce principe est d’autant plus vrai pour les systèmes réinhalatoires. En effet, l'absorption d’anesthésique par le poumon du patient réduit sa concentration dans le gaz expiré qui devient inférieure à celle présente dans le gaz inspiré. Dans les premiers instants de l’anesthésie, la concentration en anesthésique diminue donc rapidement dans le circuit et un apport conséquent doit être réalisé. Cependant, dès l’équilibre plasmatique atteint, la concentration entre l’air inspiré et air expiré s’équilibre. Afin d’éviter les phénomènes d’accumulation, il convient alors de réduire la concentration en vapeur dans le circuit. De plus, ce phénomène introduit une latence entre les variations de réglage du vaporisateur et l’évolution de la concentration d’anesthésique dans le circuit.
En comparaison, dans les circuits respiratoires non réinhalatoires, chaque respiration prise par le patient est entièrement composée de gaz frais et, par conséquent, la concentration d'agent inhalé reflète directement le réglage du vaporisateur (pas d’effet de dilution).
2. Facteurs affectant la concentration alvéolaire d'agent
Une caractéristique importante d'un anesthésique volatil est la vitesse à laquelle la concentration sanguine artérielle de ce dernier suit ses changements en concentration (ou pression partielle) dans l'air inspiré, celle-ci pouvant être modulée par réglage du vaporisateur.
Idéalement, la concentration sanguine de l’agent doit suivre aussi étroitement que possible celle inspirée, afin que la profondeur de l'anesthésie puisse être contrôlée et ajustée si besoin est dans un court délai. En particulier, la concentration sanguine doit tomber rapidement à un niveau sous-anesthésique dès l’arrêt de l’administration de l’agent volatil ; le patient récupèrera ainsi conscience dans un délai minimal. Un état semi-comateux prolongé, dans lequel les réflexes respiratoires sont faibles ou absents, est particulièrement dangereux.
Le flux sanguin cérébral représentant une fraction substantielle du débit cardiaque (15%), et la barrière hématoencéphalique étant totalement perméable aux agents anesthésiques volatils, on considère la concentration artérielle de l’agent anesthésique comme un reflet approximatif de la concentration (ou pression partielle) de celui-ci dans le système nerveux central.
Or, la concentration artérielle en anesthésique dépend de la concentration alvéolaire de celui-ci, la concentration alvéolaire reflétant le gaz inspiré par le patient. Cette concentration alvéolaire, et son augmentation ou sa diminution, dépend de deux facteurs :
-
Le taux d’absorption de l’agent anesthésique par le corps du patient (a)
-
La ventilation alvéolaire du patient (b)
2.a. Taux d’absorption de l’agent dans l’organisme : une question de solubilité et de flux sanguin alvéolaire.
Le taux d’absorption de l'agent par le corps du patient (vitesse à laquelle l'agent est absorbé dans les alvéoles par la circulation pulmonaire) varie selon la solubilité de l'agent dans le sang (et les tissus) et du flux sanguin alvéolaire.
-
La solubilité des agents anesthésiques volatils :
Les anesthésiques ont une solubilité dans différents milieux est exprimée en coefficients de partage, définis comme le rapport de la concentration de l'agent entre deux phases à l'équilibre.
Le coefficient de partage sang:vapeur est le principal facteur déterminant le taux d'induction et de récupération d'un anesthésique par inhalation, et plus celui-ci est faible, plus l'induction et la récupération sont rapides. En effet, plus la solubilité du gaz anesthésique dans le sang est faible, plus le processus d'équilibration est rapide, plus le sang est rapidement saturé par le l’agent anesthésique. Moins d’agents anesthésiques doivent donc être absorbés par les poumons pour atteindre une pression partielle donnée dans le sang.
-
Le flux sanguin alvéolaire :
Le débit sanguin alvéolaire dépend du débit cardiaque, et par conséquent, les facteurs affectant le débit cardiaque affecteront l'absorption d'agent. Un débit cardiaque faible (lié par exemple à une insuffisance cardiaque congestive) l'absorption de l’agent anesthésique par les alvéoles sera plus faible, ce qui signifie une augmentation de la concentration alvéolaire de l'agent anesthésique plus rapide. Ainsi, un changement de concentration de l’anesthésique dans le gaz inspiré par un patient ayant un débit cardiaque faible produira bien plus rapidement un changement dans la profondeur de l’anesthésie. Au contraire, ce temps sera plus long pour un animal en tachycardie. Cependant, du fait de leur nature particulièrement insoluble (coefficient de parage sang/vapeur faible), l’absorption d’isoflurane ou de sévoflurane est moins soumise à ces variations de débit cardiaque.
2.b. La ventilation alvéolaire
La ventilation détermine la vitesse de l'induction anesthésique. La ventilation amène un gaz riche en anesthésique et chasse les gaz appauvris en anesthésique des alvéoles. Une augmentation de la ventilation favorise donc l’augmentation rapide de la concentration alvéolaire pendant la période d'induction, durant laquelle l’absorption du gaz par la circulation sanguine est rapide.

II. FACTEURS DÉTERMINANT LE TEMPS D'ÉLIMINATION DE L'AGENT ANESTHÉSIQUE VOLATIL ET LE TEMPS DE RECUPERATION POST-ANESTHÉSIE :
La récupération de l'anesthésie générale se produit lorsque la concentration d'agent anesthésique dans le SNC est suffisamment faible pour que l’animal reprenne conscience.
Les agents anesthésiques volatils sont éliminés par voie hépatique, après biotransformation ou par l'expiration. Pour les agents volatils modernes comme l'isoflurane et le sévoflurane, la récupération est presque entièrement médiée par le système respiratoire, la biotransformation étant minime. De ce fait, une maladie hépatique n’empêche pas l’utilisation du sévoflurane ou de l’isoflurane.
La récupération après l’anesthésie implique les mêmes processus que l'induction, mais en sens inverse. Néanmoins, si l'anesthésie a été conduite avec un agent volatil hautement liposoluble, la durée du réveil sera prolongée d’autant. Celui-ci a en effet eut le temps de s’accumuler dans le tissu adipeux du patient, qui peut ainsi rester somnolent pendant plusieurs heures.
QU'EST-CE QUE LA PUISSANCE D'UN ANESTHESIQUE VOLATIL ?
La puissance d'un agent anesthésique par inhalation s’exprime à travers la concentration alvéolaire minimale (MAC), définie comme la concentration alvéolaire d'un agent anesthésique volatil nécessaire pour que 50% des animaux exposés à un stimulus nocif standardisé (ex : une incision chirurgicale) ne présentent pas de mouvements intentionnels.
Cette MAC permet de comparer la puissance des anesthésiques volatils entre eux. Pour l’isoflurane, on estime que 1,3 fois la MAC empêcherait à 95% le mouvement du patient, cependant celle-ci a été calculée en l’absence d’autres agents. Un protocole anesthésique équilibré dans son utilisation de sédatifs et d'analgésiques réduira cette MAC (effet d'épargne anesthésique). Par conséquent, lors de l'utilisation d'agents anesthésiques par inhalation, une surveillance étroite et régulière de la profondeur de l'anesthésie est un élément essentiel d'une gestion sûre des patients.